En droit international privé, la fraude à la loi est définie par la mise en œuvre de manœuvres visant à éluder l’application d’une loi qui aurait normalement été applicable. La fraude à la loi se caractérise souvent par l’utilisation artificielle d’une règle de conflit de loi pour échapper à l’application d’une disposition nationale défavorable.
La fraude est contrôlée par le juge français notamment dans le cadre des procédures d’exequatur en l’absence de convention internationale. Historiquement, la vérification de la fraude à la loi en matière d’exequatur fut dégagée par l’arrêt de la Cour de cassation du 18 mars 1878 Princesse de Bauffremont. En l’espèce, le prince et la princesse de Bauffremont étaient séparés de corps. La princesse voulait divorcer mais la loi française de l’époque ne prévoyait pas cette possibilité. Cette dernière s’est alors installée dans le Duché de Saxe-Aldenbourg afin d’y demander la nationalité allemande qui lui permettait de se remarier. Le prince de Bauffremont a alors demander l’annulation de ce second mariage. Dans ces circonstances, la Cour de cassation à pour la première fois dégagé la notion de fraude à la loi. La princesse n’avait sollicité la nationalité allemande que dans le but d’évincer l’application de la loi française. Cette décision est un parfait exemple de fraude à la loi par déplacement du sujet de droit dans le ressort d’une autre loi applicable et également par le changement frauduleux de nationalité.
Cette condition a été reprise par l’arrêt Munzer du 7 janvier 1964 de la Cour de cassation instituant les cinq critères initiaux pour accorder l’exequatur. Depuis lors, cette solution a été successivement conservée pour faire finalement partie des trois conditions nécessaires à la reconnaissance d’un jugement étranger (Cass. Civ 20 février 2007 n°05-14082).
La Cour de cassation donne régulièrement des exemples de situations constituant une fraude à la loi. Les plus courants sont les changements de nationalité pour faire échec à une loi dont ce statut représente le critère de rattachement ou encore le changement de domicile.
En ce qui concerne ce dernier exemple, la Cour de cassation a considéré dans une décision récente du 17 décembre 2014 (n°13-21365), que la fraude à la loi était caractérisée par les manœuvres d’une épouse désirant rattacher le litige sur le sol américain. En l’espèce, les époux étaient de nationalité différente, la femme était américaine, et le mari était français. Ces derniers avaient récemment signé un bail d’habitation à Paris. A l’occasion d’un séjour de vacances aux Etats-Unis avec les enfants issus de l’union, l’épouse a engagé une procédure de divorce à l’encontre de son conjoint. Suite à la mise en œuvre de la procédure de divorce, l’épouse est revenue sur le territoire français et est repartie sur le sol américain à peine quelques semaines plus tard afin de poursuivre la procédure. La Cour a considéré que l’épouse avait fait ces allers-retours sur le sol américain afin d’établir une présentation fallacieuse de la situation existante que la résidence familiale était demeurée sur le sol américain. Ces manœuvres avaient été réalisées selon la Cour, afin de tromper le juge américain pour fixer artificiellement la résidence des époux à l’étranger. La Cour a donc refusé d’accorder l’exequatur à la décision américaine et le jugement n’a pu produire d’effets en France.
Toutes les situations ne peuvent pas faire l’objet d’une fraude à la loi. Ainsi, il sera difficile voire impossible d’altérer la règle de conflit de loi en ce qui concerne un immeuble ou le lieu d’un accident. Il est impératif d’analyser les circonstances entourant la décision dont l’exequatur est demandée afin d’évaluer les chances de succès. Les décisions prises par les parties peuvent s’avérer lourdes de conséquences pour l’application du jugement étranger.
La fraude à la loi dans les procédures d’exequatur fait partie des conditions dont l’existence permet régulièrement aux juridictions françaises de priver d’effets le jugement étranger.