Il faut distinguer le contrôle et les sanctions que l’employeur peut prendre à l’encontre de ses salariés concernent l’utilisation abusive d’internet sur le lieu de travail et les informations publiées sur internet qui portent atteinte à l’entreprise. La différence est fondamentale puisque le régime de contrôle et de sanctions sera différent. Sanctionner l’utilisation d’internet par les employés doit nécessairement respecter certaines conditions.
La question peut paraître évidente mais il aura fallu attendre un arrêt de la Cour de cassation du 16 février 2013 suivie d’un arrêt de la Cour de d’appel de Pau du 13 juin 2013 pour avoir une solution de principe sur la question de l’utilisation d’internet par les employés.
Il est désormais reconnu par la jurisprudence que l’utilisation de sites extraprofessionnels pendant le temps de travail peut justifier une mesure de licenciement à l’encontre du salarié fautif. Cela étant, la Cour de cassation ainsi que la Cour d’appel de Pau n’ont pas simplement déclaré que l’utilisation d’internet sur le lieu de travail pouvait justifier un licenciement, elles ont également posé des limites à cette sanction.
Il faut distinguer l’utilisation d’internet en tant qu’outil, du contenu qui y est publié.
- Le principe demeure le respect de la vie privée et de la liberté d’expression des employés
Aux termes de l’article L1121-1 du Code du travail « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions, qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».
Le principe demeure donc la liberté du salarié dans ce domaine. Cette liberté couvre la possibilité de s’exprimer mais également d’utiliser internet à des fins personnelles.
Sauf abus, le salarié jouit, dans l’entreprise et à l’extérieur de celle-ci, de sa liberté d’expression, à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées (Cass. Soc 28 avril 1988 n°10-30107). Dans cet arrêt, cette faculté d’expression avait été exercée à l’occasion d’une publication dans la presse dénigrant les méthodes de gestion de l’employeur.
La solution est différente dans le cadre du dénigrement de l’employeur en tant que personne. La Cour de cassation a eu l’occasion de rendre de nombreuses décisions en la matière et a pu considérer que le fait de dénigrer son employeur auprès de tiers était de nature à justifier le licenciement (Cass. Soc 15 décembre 2010 n°09-67235). Le simple désaccord sur la politique de l’entreprise n’étant pas suffisant dans la mesure où celui-ci n’est pas véhément (Cass. Soc 22 septembre 2011 n°10-30074 & Cass. Soc 12 janvier 2011 n°09-71373).
- A titre exceptionnel, l’employeur peut contrôler voire interdire l’utilisation d’internet ou des réseaux sociaux
Nous avons vu que l’employeur ne peut apporter de restrictions aux libertés individuelles et collectives « qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnée au but recherché ».
L’employeur conserve donc la possibilité de mettre en place des mesures techniques répondant à ce critère et qui permettent de contrôler l’activité des employés. Il s’agit par exemple de mettre en place des mesures informatiques pour contrôler l’utilisation de certains sites internet tels que des logiciels de surveillance sur les ordinateurs ou même de bloquer l’accès à certains noms de domaines. Ces mesures devront cependant respecter un certain nombre de conditions.
L’employeur doit en premier lieu informer les principaux intéressés, les salariés. La CNIL devra également être informée des mesures de contrôle que l’employeur entend prendre. De plus, l’article L2323-32 du Code du travail prévoit que « Le comité d’entreprise est informé et consulté, préalablement à la décision de mise en œuvre dans l’entreprise, sur les moyens ou les techniques permettant un contrôle de l’activité des salariés».
- L’utilisation d’internet peut, dans certains cas, faire l’objet de sanctions disciplinaires
L’utilisation d’internet et des réseaux sociaux pourra faire l’objet de sanctions en fonction du degré d’utilisation mais également du contenu.
Aux termes de l’arrêt du 26 février 2013 rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation, l’employeur peut sanctionner un salarié si celui-ci procède à des « connexions sur des sites non professionnels durant le temps de travail pendant une durée excessive ». Dans le cas d’espèce ayant donné lieu à cet arrêt, la salariée en question s’était connectée à des sites communautaires tels que Facebook, Twitter et autres, mais également à des sites commerciaux et de divertissement. La Cour de cassation a donc le rejeté le pourvoi formé par la salariée congédiée visant à obtenir l’annulation de sa sanction au motif qu’il avait été enregistré environ 10.000 connections pendant une période de quelques mois uniquement. (Cass. Soc 26 février 2013 n°11-27372).
Dès lors, la Cour a pu valider la décision d’appel sur le fondement de l’article L1232-1 du Code du travail qui prévoit le licenciement pour motif personnel reposant sur une cause réelle et sérieuse.
L’utilisation de Facebook et autres réseaux sociaux sur le lieu de travail n’était donc pas sanctionnée immédiatement. Seule une utilisation « excessive » pouvait faire l’objet d’une mesure disciplinaire.
La Cour d’appel de Pau a rendu un arrêt semblable en la matière. En l’espèce, une salariée avait fait l’objet d’un licenciement fondé sur une utilisation excessive de Facebook, Hotmail ainsi que certains sites commerciaux. La Cour a considéré que l’utilisation dépassait les limites raisonnables dans la mesure où la salariée procédait à des connections « quasi-quotidiennes, à plusieurs reprises dans la journée entre (…), durant les heures de travail (…) » (Cour d’appel de Pau 13 juin 2013 n°13/02518).
Dans la sphère privée, l’employeur ne peut bien évidemment pas contrôler et sanctionner l’utilisation d’internet par ses employés. Le contenu des publications pourront faire l’objet de sanctions si celles-ci sont publiques et nuisent à l’image de l’entreprise.
Il est de jurisprudence constante que Facebook est considéré a priori comme un espace public puisque les messages peuvent être consultés par un grand nombre de personnes et également partagés vers des utilisateurs tiers. Pour autant, la première chambre civile de la Cour de cassation a limité la portée de ce principe en énonçant que le contenu de la page et les messages qui y sont postés seront considérés comme privés s’ils ne sont « accessibles qu’aux seules personnes agréées par l’intéressée, en nombre très restreint » (Cass. Civ 1ere 10 avril 2013 n° 11-19.530).
Conclusion :
Les principes de respect de la vie privée et de la liberté d’expression encadrent les mesures qu’un employeur peut apporter aux membres de son entreprise en matière de contrôle de l’utilisation d’internet et des réseaux sociaux.
Dès lors que les instances représentatives sont informés des mesures restrictives, un employeur peut contrôler voire bloquer l’accès à certains sites qui seront jugés incompatibles avec l’activité professionnelle considérée. Un employeur pourrait alors sanctionner l’utilisation d’internet au travail et en dehors en fonction du degré d’utilisation ou du contenu des messages qui sont publiés sur les réseaux sociaux, et ce, sans préjudice de toute action pénale sur le fondement de l’injure publique.